Que de découvertes dans cette commune située près de Vichy...! L'objet qui attire maintenant l'attention des préhistoriens et archéologues de toute la France, est une tête que nous osons qualifier de monstrueuse. Le crâne présente trois protubérances fort exagérées, le visage se fend d'une bouche béante, de narines dilatées et d'une paire d'yeux si écartés qu'ils sont aux antipodes l'un de l'autre. La tête est creuse, comme s'il s'agissait d'un masque.
Ce morceau d’ivoire, grossièrement taillé dans une défense de mammouth, a été baptisé le “sourire préhistorique ” par nos illustres savants. Bien qu'il présente des similitudes de forme avec les urnes en céramique à visage bourrelé, retrouvées à Glozel, il leur est bien antérieur et bien plus complexe dans l'arrangement de ses volumes. Le plus déconcertant reste sa ressemblance indiscutable avec une tête d'embryon de quelques semaines. Alors que ce répertoire iconographique ne nous est familier que depuis peu, avec l'évolution de l'imagerie médicale, on se demande maintenant si, il y a plusieurs milliers d'années, l'allusion était volontaire ou s'il s'agit d'un simple hasard. L'embryon est, de surcroît, représenté à la période de croissan ce où la morphologie de tous les mammifères est très similaire.
L'homme du passé a-t-il voulu un jour renouer avec le grand continent animal bien avant que Darwin eût à en convaincre toute la civilisation occidentale ? Tout comme les Vénus paléolithiques ne sont pas des portraits de femmes, mais des symboles de la féminité, cet embryon préhistorique est peut-être le vecteur d'une conscience de l'omniel, du grand ensemble des êtres vivants dans lequel l'homme s'inscrit, sans occuper une place privilégiée auprès de son Dieu.
Autre curiosité, cette bouche oblongue ajourant la face. C'est le plus ancien sourire représenté dans l'art, bien avant Ebih-II, sculpté dans le gypse, vers 2400 avant J-C. Le sourire est une déformation du visage qui sert à se défendre chez les primates. En montrant leurs dents, ils affichent ainsi leur hostilité à celui qui représente un danger ou une gêne. L'Homme, de par sa nature complexe, attribue à cette expression une signification contraire. Le sourire est, dans toutes les cultures et sur toute la planète, une attitude innée et positive témoignant d'un sentiment de bienveillance à l'égard d'autrui, de la construction d'une relation affective, sociale et intelligente. Ici, c'est la figure du rassemblement, et même de la bonhomie qui nous regarde et qui a traversé les millénaires.
En dépit de certains illuminés qui ont interprété cette statuette comme la représentation d'anciennes divinités extraterrestres humanoïdes, nous préférons supposer que le Bibendum n'est pas la personnification d'une pile de pneus, mais un descendant direct du “plus vieux sourire du monde”.